A Madagascar, les raids des dahalos, ces voleurs de zébus, sont devenus le symbole de l’insécurité en zone rurale. Depuis plusieurs dizaines d’années, le vol de bovidés est passé de « tradition culturelle » à « grand banditisme », et ce au profit d’une mafia bien organisée, capable de déstabiliser l’Etat et d’échapper au contrôle des forces de l’ordre. En 2018, malgré une opération militaire de grande ampleur, les dahalos ont réussi à dérober plus de 155000 têtes de bétail. C’est 67% de plus qu’en 2017. Autre changement: la violence des attaques. Pour la première fois, une étude commandée par l’UNFPA, le fonds des Nations unies pour la population, montre l’étendue des violences commises sur les femmes et les fillettes par ces voleurs de bétail. De quoi donner du grain à moudre au futur président de la République. Les deux candidats en lice à l’élection disent vouloir faire de la lutte contre l’insécurité l’une de leurs priorités.

« Les hommes sont les premières personnes à être dans la ligne de mire des dahalos. Mais les femmes sont les victimes invisibles de ces raids, et sont touchées de façon incroyable. Et ça, jusqu’à présent, on l’avait complètement sous-estimé.»

Le constat de l’étude réalisée en brousse sur les sévices à l’égard des femmes commis par les dahalos est sans appel. Violences psychologiques (causées par la terreur d’avoir servie de bouclier humain pour obliger les maris propriétaires de zébus à céder leur bétail, ou par la fuite et la vie cachée en forêt pour échapper aux dahalos, traumatisme dû au décès du mari ou des fils), violences économiques (vol de zébus, pillage des maisons), mais aussi violences physiques comme des viols lors des prises d’otage.

«Aujourd’hui la prise en charge des femmes victimes de ces violences, c’est le néant total, témoigne Noro Ravaozanany, experte sur les questions de genre au sein de Focus Development, l’agence de recherche qui a réalisé l’étude. Nous incitons le futur président de la République à mettre en place des structures spécialisées – des refuges, des centres de santé équipés -, qui puissent les prendre en charge, pour leur soutien psychologique, et même pour leur retour dans leur foyer. Ce sont des femmes qui sont complètement désorientées. Il faudrait également élaborer des mesures drastiques en partenariat avec les tribunaux pour leur garantir un accès à la justice.»

Un fléau pris au sérieux par les représentants des forces de l’ordre présentes au compte-rendu de l’étude. Le général de division Richard Rakotonirina, secrétaire permanent à la défense et à la sécurité nationale, rappelle que depuis 2014, l’Etat est engagé dans une large réforme du secteur de la sécurité: « Donc dans le cadre de cette réforme, il faut que la prochaine personne à la tête de l’Etat continue à améliorer la sécurité de proximité. Remettre l’humain au cœur des préoccupations en matière de sécurité. On estime qu’il est nécessaire que les forces de l’ordre soient mieux formées pour qu’elles se placent au service uniquement du citoyen, et non au-dessus de la loi, ou au-dessus de la population.