Aboubacar Soumah est député dissident de la principale formation politique de l’opposition guinéenne l’UFDG. Il est actuellement le président du nouveau parti PDE, Parti pour la Démocratie et l’Equité. Au cours de cet entretient qu’il nous a accordé, le professeur d’université n’a pas fait de cadeau à son ancien patron, Cellou Dalein Diallo qu’il exaltait et pourtant les mois précédents.
Pour commencer, dites-nous quel est aujourd’hui l’état de santé de votre formation politique, le PDE sur l’ensemble du territoire national ?
L’état de santé de mon parti est très bon. Vous nous avez trouvés en train de tirer les petites leçons, nous préparons l’assemblée générale de demain (Samedi).
J’avoue que les choses vont lentement, mais très sûrement. Sur l’ensemble du territoire national, nous avons installé presque dans des localités de Conakry et de la Basse Guinée, toutes nos structures.
Je vous rassure que nous tendons vers la Haute Guinée, la Moyenne Guinée, et la Guinée Forestière.
Quel est votre regard sur la marche pacifique de l’opposition républicaine le 02 août dernier ?
Pendant cette marche, il y avait des petits enfants qui n’ont même pas 14 ans. Honnêtement, il y avait une mobilisation, mais si tu es Guinéen et que tu regardes les gens qui se sont mobilisés, tu sauras que c’est une ethnie qui est sortie : ce sont les peulhs.
C’est clair, sur dix personnes qui passaient, neuf sont des peuls. Pourquoi les Guinéens ont peur de dire ce qui est touchable. Si ça continue comme ça, c’est très dangereux pour ce pays.
De Kagbelen à Dixxin, toutes les autres ethnies étaient tranquilles, seulement les curieux venaient jeter des regards. Ceux qui marchaient, ceux qui étaient sur les motos ou dans les voitures, à 99 pour cent, sont des peuls.
C’est la vérité ! On ne peut pas diriger un pays dans ce cadre. Il faut qu’on ait le courage de se dire la vérité. Je suis soussou, mais je ne peux pas créer un parti pour les soussous et conquérir le pouvoir pour les soussous avec les soussous.
Je suis d’accord quand les gens disent que tous les postes de responsabilité ont été ethnicisés. Parce que ceux qui ont conquis ce pouvoir, l’ont fait sur la base ethnique.
Il faut qu’on identifie le mal pour trouver la solution nécessaire. Le président Sékou Touré était malinké, mais certains malinkés n’ont connu la souffrance qu’à son temps. Certains ont même connu l’exil. De même que Lansana Conté, qui était soussou. C’est lorsqu’il est venu au pouvoir que certains soussous ont perdu leurs postes et basculé dans la pauvreté.
Cherchons quelqu’un qui jugera le Guinéen en tant que Guinéen, sans tomber dans cette affaire d’ethnie. Sans chercher à savoir si tel est Barry, Sovogui ou Soumah. Si l’UFDG, dans sa phase actuelle, accède au pouvoir, elle sera pire que ce qui s’est passé. C’est pourquoi il faut une nouvelle classe politique.
Les deux plus grandes classes politiques sont vieillissantes, il faut que la génération actuelle que nous sommes, prenne sa responsabilité.
Quelle est votre lecture de la promulgation du code électoral par le président de la République ?
Vous savez que ce code électoral, à son article 82, alinéa 2, a été décrié par l’ensemble des patriotes guinéens, parce que c’est une violation flagrante d’une disposition de la Constitution, qui interdisait aux partis politiques de s’impliquer dans la vie des quartiers.
Nous avons voulu que les conseils de quartier soient plus ou moins neutres. Malheureusement, ce compromis entre les deux groupes ethnico-politiques a amené à faire cette compromission.
J’avoue que cela va créer pas mal de problèmes. Parce que personne n’acceptera, vu la situation ethnique aujourd’hui du pays.
Si tu prends l’UFDG, il faut appeler le chien par son nom, il est composé à 99 pour cent de l’ethnie peul, de même que le RPG qui est également composé de l’ethnie Malinké.
Le PUP d’alors était presque la même chose. A la seule différence que quand le PUP était au pouvoir, certains fils du pays notamment de la Haute Guinée, de la Moyenne Guinée et de la Guinée Forestière, ont profité de ce parti. Les deux partis, RPG et UFDG, veulent se partager le pays, l’exemple est la recomposition des délégations spéciales.
Comment peut-on accepter que des personnes qui ne connaissent même pas votre langue et vos coutumes, s’installent à la tête de votre commune pour vous diriger. Voter une loi et la promulguer est une autre chose, l’appliquer, est tout un autre problème. Moi je pense qu’il ne sert à rien de voter une loi et la promulguer sans pouvoir l’appliquer. Ce code électoral va créer des situations indésirables au pays.
Certains vous traitent d’ingrat, parce que vous avez été député grâce au parti UFDG que vous avez abandonné aujourd’hui. Qu’en dites-vous ?
Ceux qui le disent ne me connaissent pas. Quand je suis venu à l’UFDG, j’étais le maire élu du PUP. En 2010, j’ai accepté d’accompagner le candidat Cellou Dalein Diallo, je me suis battu de façon visible sur le terrain. Pour une simple raison : parce qu’on ne connaissait pas Alpha Condé.
On a dit qu’on préfère soutenir celui qui a travaillé dans notre équipe gouvernementale du PUP pendant 10 ans jusqu’à devenir Premier ministre.
A l’époque, tous les 4 maires de Conakry ont soutenu le candidat Cellou Dalein Diallo. Seule Hadja Nènen, n’a pas soutenu à l’époque Cellou Dalein. Elle a préféré Alpha Condé pour des raisons de proximité.
Et, vous savez après l’élection d’Alpha Condé, nous avons été révoqués de nos fonctions par décret. Si je vous dis que l’UFDG n’a rien fait pour moi, j’ai menti.
Mais, quand j’ai compris que la ligne politique pour laquelle, je suis parti à l’UFDG n’est pas appliquée, j’ai pris mes responsabilités en créant le PDE qui est ma propre formation politique.
Je ne peux pas rester dans cette formation politique de façon démagogique. C’est pourquoi je l’ai quittée. Moi j’ai sacrifié mon poste à cause de l’UFDG. Maintenant, entre nous, qui est ingrat ?
A l’allure où vont les choses, si l’UFDG vient au pouvoir, si tu ne penses pas comme eux, tu verras la dictature la plus sanglante que l’humanité n’a jamais connue.
Tout le monde sait que quand Cellou Dalein était dans le gouvernement, c’est lui qui finançait les partis de l’opposition, on le savait. Tout le monde sait qu’il était du PRP.
Tout le monde sait comment l’UFDG a été fondée. C’est sur la base ethnique, de même que le PUP ou le RPG. Il faut qu’on ait le courage de s’attaquer aux maux de ce pays.
J’entends les gens dire, c’est moi qui ai réalisé telle route, tel pont, Tombo- Moussougou…. Mais ce n’est pas vrai. Un ministre n’a pas de projet de société. Un ministre exécute le programme d’un gouvernement. Un ministre est nommé sur les instructions d’un parti politique au pouvoir, qui exécute son projet de société.
Mais un ministre ne doit pas s’approprier de ce travail. Ils ne savent même pas à quel moment Lansana Conté a décidé de débarrasser les fleuves guinéens des barques.
Le jour où Lansana Conté disait cela, on ne connaissait même pas un petit Cellou Dalein. Aujourd’hui, il s’approprie de tous les bienfaits de Lansana Conté. C’est ingrat. Ce n’est pas quelqu’un qui a réalisé l’autoroute, c’est un régime, pas un ministre.
Interview réalisée par Minkael BARRY et Matho Kolié