Ancien Directeur Sportif de l’AS Kaloum et journaliste sportif ayant travaillé pour plusieurs médias français, notamment RFI, Alpha Baldé s’est confié à notre rédaction dans une interview exclusive. Nous avons abordé la situation tendue à la Feguifoot, marquée par les tensions entre son président, Bouba Sampil, et certains membres du Comité Exécutif, notamment les vice-présidents Sory Doumbouya et Mamadou Barry. Ayant côtoyé l’actuel patron du football guinéen, le fondateur du site 100% foot n’est guère surpris par la cacophonie qui règne quelques mois seulement après leur arrivée à la tête de la Feguifoot.
Acteur du football guinéen depuis 2011, Alpha Baldé a partagé son point de vue sur plusieurs sujets, notamment la gestion de la Feguifoot par Bouba Sampil, les problèmes du Syli National, tout en proposant des solutions pour l’avenir.
1- À quoi attribuez-vous les divisions internes au sein du nouveau COMEX de la Feguifoot, moins de deux ans après sa prise de fonction ?
AB : Vous savez, lorsqu’on n’est pas unis pour les bonnes raisons, la division n’est qu’une question de temps. On connaît tous, les circonstances dans lesquelles cette élection s’est déroulée. Qui connaissait le projet de football du Président Sampil et de son groupe ? Où l’ont-ils défendu ? Chez nous, on forme des clans pour s’opposer à d’autres clans, oubliant l’intérêt de notre football.
Cette division était plus que prévisible et elle éclate aujourd’hui au grand jour. Comment soutenir un président réputé pour sa mauvaise gestion de club, avec de nombreuses plaintes au niveau de la FIFA ? Comment peut-on prétendre gérer une institution comme la Feguifoot sans un examen de conscience ?
2- Vous qui avez travaillé avec le Président Sampil comme Directeur Sportif, êtes-vous surpris par la réaction des membres du COMEX ?
AB : Quand on connaît les raisons qui m’ont poussé à partir, il est évident que je ne suis pas surpris. À l’époque, lui et son entourage avaient tenté de me discréditer, insinuant que je manquais de compétence, alors que tout ce que j’avais mis en place était visible. Mais j’avais quitté pour les mêmes raisons mentionnées dans ce courrier. Financièrement, il me doit toujours une somme importante. Il y avait des choses que je préfère garder pour moi, mais par exemple, j’ai été contacté une fois par un club algérien pour un litige financier avec Kaloum. En tant que Directeur Sportif, je n’étais même pas au courant, car cela devait rapporter de l’argent au club. On m’avait écarté car cela touchait à l’argent. Ce jour-là, j’ai compris que je n’étais pas à ma place.
La gestion de Sampil est connue de tous en Guinée. C’est un grand passionné de football, mais dans la gestion, c’est catastrophique. Je lui serai toujours reconnaissant pour l’opportunité que j’ai eue de servir, même si j’ai été trompé sur le projet. Pour préserver ma moralité et ma carrière, j’avais décidé de partir la tête haute. Aujourd’hui, l’histoire me donne raison.
3- Un autre CONOR peut-il être la solution pour sortir notre football de cette crise ?
AB : En moins de 10 ans, nous avons eu deux CONOR. Si c’était la solution, cela se serait déjà vu. Le dernier a achevé son mandat il y a à peine huit mois. Plutôt que de résoudre les problèmes, comme pour paraphraser Thierno Monenembo, ils ont aggravé la situation. Le bilan ? Une élection organisée, certes, mais une presse sportive divisée, des acteurs du football fragmentés, le contrat avec SONOCO rompu unilatéralement, un championnat non retransmis parce qu’il fallait affaiblir CIS MÉDIAS d’Antonio Souaré, des tensions extrêmes avec le ministère des Sports, un montage de sponsoring avec PUMA… tout cela montre que la multiplication des CONOR ne résoudra rien. Tant qu’il n’y aura pas de rupture avec les anciennes pratiques, et que nous serons toujours pieds et mains liés aux riches de ce pays, notre football ne s’en sortira jamais.
4- Quel est votre point de vue sur l’état actuel du Syli National ?
AB : Nous avons aujourd’hui une équipe avec de grandes individualités, bien plus qu’auparavant. Malheureusement, nous avons eu un sélectionneur depuis trois ans qui n’a jamais su exploiter pleinement le potentiel de cette équipe. Pire, il a divisé le vestiaire, laissant certains joueurs et proches prendre le pouvoir. Sur le potentiel et les individualités, je ne vois pas sept équipes sur le continent qui devraient nous faire peur. Mais vous savez, il y a les joueurs, et il y a l’entraîneur, qui doit être capable de créer une dynamique avec eux.
Avec ce directoire, je ne sais pas si c’est une bonne idée. J’ai des réserves. Nous verrons bien…
5- Quelles pistes envisagez-vous pour redresser le football guinéen ?
AB : Je ne vais pas faire de détours. Aujourd’hui, il nous faut une rupture, une nouvelle manière de faire. Certains diront qu’en Guinée, il faut aller doucement, expliquer aux gens, etc. Mais beaucoup savent ce qu’il faut faire et refusent de le faire, car il y a un problème de compétence. Celui qui est compétent n’a jamais peur de la rigueur, du professionnalisme, et de l’exigence dans le travail. Mais si ce n’est pas le cas, et que l’on gagne souvent en étant une simple marionnette, on refusera ce genre de changement car cela menace son gagne-pain.
Mais on ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs. Veut-on réellement progresser ? Veut-on gagner des titres ? Veut-on permettre à nos joueurs locaux de vivre de leur métier ? Veut-on être respecté sur le continent et à l’international ?
Si oui, alors il faut une rupture, un examen de conscience. De nombreuses personnes gravitent autour de notre football uniquement pour se remplir les poches. Ce genre de profils ne devrait pas exister au haut niveau de la gestion de notre football. Il faut accepter de chasser la médiocrité et de récompenser le mérite, le travail et l’exigence.
Ensuite, il faudra aborder le rôle essentiel que doit jouer l’État pour booster et soutenir le développement du football à travers tout le pays. Sans un État impliqué et engagé, tout développement durable du football est utopique. Mais pour cela, il faut des profils capables de convaincre cet État, non pas pour demander de l’argent pour des intérêts personnels, mais pour défendre le football devant l’État et l’amener à nous accompagner. Les Guinéens adorent le football, et l’État travaillera pour sa jeunesse.
Des profils intègres, compétents, et une rupture totale avec les anciennes pratiques. Sans cela, en 2050, nous serons toujours au même point.
Source : espacefootguinee.com