Après deux jours de violentes manifestations, qui ont en fait une quinzaine de morts, la tension retombe progressivement dans le pays. La journée d’hier dimanche a été relativement calme. C’est ce que pointe notamment le quotidien Le Soleil : « d’après Maham Ka, porte-parole du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, on note à Dakar une « nette baisse des points de tension et des arrestations ». On assiste, poursuit-il, à un « retour à la normale dans le pays. Beaucoup d’activités ont repris hier avec la fin de l’interdiction de la circulation des motocycles ». Samedi soir, relève encore Le Soleil, le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, a indiqué qu’environ « 500 arrestations ont été menées depuis le début du mouvement contestataire. Certaines personnes arrêtées appartiennent à des formations politiques mais la majorité n’ont pas d’appartenance partisane », a-t-il précisé. Il a aussi affirmé que « le Sénégal avait fait l’objet d’attaques de forces occultes. Il y a de l’influence étrangère et c’est le pays qui est attaqué ». « Des installations vitales pour le fonctionnement du pays » ont été prises pour cible pour provoquer « un chaos »,a-t-il poursuivi, citant notamment une usine de production d’eau. »

« Le règne des pillards… »
« Saccage de commerces, de banques… : la saison des pillards ! », déplore pour sa part Le Quotidien. À Dakar, « la route des Niagues est devenue impraticable. Elle garde les stigmates de ces manifestations qui ont vu des voitures calcinées, des blindés brûlés, des magasins éventrés. Le décor est indescriptible. Des pierres jonchent la route. De la fumée s’échappe encore des pneus brûlés par les manifestants. Le siège d’Orange, qui a fait peau neuve après les manifestations de mars 2021, a été à nouveau saccagé, malgré les efforts pour le sécuriser. Les banques qui longent cette route n’ont pas échappé à la furie des jeunes. » Et Le Quotidien de s’indigner : « c’est une révolution ? Non ! C’est le règne des pillards, des voleurs, des casseurs. On marche sur un champ de ruines et les enterrements se multiplient. Triste spectacle ! »

Macky Sall, premier responsable ?
La presse d’opposition, elle, s’insurge et rejette toute la responsabilité sur le pouvoir. « Ce qui vient de se passer était parfaitement prévisible, affirme le site Dakar Matin. Quand on crée les conditions du chaos, il faut s’attendre au chaos. Macky Sall a fait basculer le Sénégal dans l’anarchie, la violence et le désastre. Il porte l’unique et entière responsabilité de la trentaine de morts recensés dans le pays, depuis 2021. Le peuple sénégalais ayant décidé de siffler la fin de la récréation et de reprendre son destin en main, son rêve d’une troisième candidature s’effondre comme un château de cartes (…). La séquence qui vient de s’ouvrir marque le début de la fin pour Macky Sall. » Le site Seneplus ne mâche pas non plus ses mots : « en vérité, nous sommes tous témoins, depuis plusieurs mois, de l’hubris (la démesure) d’un pouvoir qui emprisonne ou exile ses opposants les plus menaçants, réprime les libertés, notamment celles de la presse, et tire sur son propre peuple avec une révoltante impunité. Nous sommes aussi tous témoins des errements d’un État désireux de rester fort à tout prix – ce prix fût-il celui du sang, de la dissimulation, du mensonge. »

Entêtement et provocation…
Dans la presse de la sous-région, on est partagé. Pour Ledjely en Guinée, « la crise a un nom : Macky Sall. Oui, toutes les menaces et tous les périls qui guettent aujourd’hui notre voisin du nord sont de la responsabilité exclusive du président sénégalais. Comme piqué par le virus d’Abdoulaye Wade, d’Alpha Condé et d’Alassane Ouattara, il fait dans l’entêtement et l’autisme. Absorbé par son désir irrépressible de se maintenir au pouvoir, il est inaccessible au cri de cœur d’une jeunesse qui l’avait pourtant acclamé il y a onze ans. » Non, rétorque WakatSéra au Burkina, « la sortie de l’impasse du Sénégal n’incombe pas qu’à Macky Sall. Car Ousmane Sonko, qui défie la justice et l’autorité publique en transformant en affaire d’État une affaire personnelle, doit raison garder, au lieu de chauffer à blanc une « rue » qui, sans état d’âme, procède à la destruction méthodique du pays. Si le retour de la paix pour le Sénégal passe par la case prison pour Ousmane Sonko, pourquoi le maire de Ziguinchor ne se soumet-il pas à ce verdict ? Ousmane Sonko doit accepter de lutter sur le terrain de la justice et jouer la carte de l’apaisement. »

RfiAfrique