Ex-footballeur de légende, George Weah est investi président du Liberia ce lundi matin à Monrovia. Son arrivée au pouvoir ravive les attentes et les espoirs que sa victoire a soulevé, surtout chez les jeunes. C’est la première fois depuis les années 1940 qu’un chef de l’État démocratiquement élu succède à un autre au Liberia.
Ce n’est pas tous les jours qu’un Ballon d’or succède à un prix Nobel. George Weah est investi en grande pompe ce lundi matin à Monrovia.
La cérémonie a lieu au stade Samuel K. Doe, le plus grand de Monrovia, là où George Weah a tenu son dernier meeting avant de remporter le scrutin du 26 décembre. L’investiture, à laquelle sont conviés parlementaires, diplomates et chefs d’État étrangers, sera suivie d’un déjeuner, toujours au stade, et d’un bal, en début de soirée.
La victoire de l’ancien footballeur international, le gamin élevé par sa grand-mère dans le bidonville de Gibraltar, à Monrovia, suscite l’espoir au Liberia, surtout chez les jeunes. Au lendemain de la victoire, George Weah a promis de transformer le Liberia en profondeur grâce au secteur privé, assurant que les investissements privés allaient, à terme, remplacer l’aide au développement.
Au palais présidentiel, le « Manoir exécutif » comme on dit à Monrovia, George Weah sera épaulé par la vice-présidente Jewel Howard Taylor, une économiste, sénatrice et ex-épouse de Charles Taylor, le président libérien incarcéré pour crimes de guerre en Sierra Leone.
La corruption, un problème que la présidente sortante n’a pas réglé
Le palais présidentiel, rénové par suite d’un incendie, en 2006, est le symbole des défis qui attendent le nouveau chef de l’Etat. La résidence officielle brille comme un sou neuf, même si 8 millions de dollars qui devaient être consacrés à sa réfection ont disparu dans la nature, selon la « Cour des comptes » libérienne. La corruption est un problème que la présidente sortante n’a pas réglé. Ellen Johnson Sirleaf l’a reconnu elle-même lors de son dernier discours sur l’état de l’union, l’an dernier.
Pour Lawrence Yealue de l’ONG Accountability Lab, à Monrovia, le nouveau président devrait garantir l’indépendance de la commission anticorruption : « Sous la présidente Sirleaf, on sait que la commission a instruit 22 dossiers mais porté des accusations dans uniquement deux cas. On ne peut que s’interroger sur ce qui s’est passé en cours de route. La justice est pourtant au cœur de la réconciliation nationale parce que, quand les gens voient certaines personnes s’enrichir du jour au lendemain, cela fait jaser ».
Pour l’instant, nul ne sait ce que fera le nouveau chef de l’État pour lutter contre les fraudes en tout genre. La presse libérienne relève, cependant, que le président élu tarde à déclarer son patrimoine comme il est pourtant tenu de le faire.
Décryptage : quelles sont les attentes envers celui qui apparaît comme novice en politique?
« Nous attendons de voir le cabinet qu’il devrait former dans les prochains jours. Mais nous avons un jeune président, quelqu’un qui n’a pas été politiquement connecté, quelqu’un qui n’est pas si profondément enraciné dans le corps politique du pays, ça devrait lui permettre d’apporter une nouvelle énergie, un nouvel esprit et de redonner un nouvel élan national pour réformer le pays, et transformer la vie des gens », analyse Ibrahim Al-Bakri Nyei, analyste politique libérien basé à la School of Oriental and African Studies de l’Université de Londres, retourné dans son pays pour l’occasion.
« Nous nous attendons à ce qu’il lutte pour former un gouvernement inclusif, un gouvernement intègre. Pour l’instant, nous avons une économie qui fonctionne au ralenti, donc cela va être un défi majeur pour le nouveau gouvernement. George Weah prend les commandes d’un pays ou les problèmes sont gigantesques, mais d’une certaine façon je vois le verre à moitié plein. Il a des réformes importantes à engager et doit s’efforcer de stabiliser l’économie, il doit s’efforcer de soutenir les réformes, mais il pourra aussi introduire des idées novatrices dans la politique et l’économie. »
Le retour de l’ex-femme de Charles Taylor
Jewel Howard-Taylor, l’ancienne femme de Charles Taylor, accède à la vice-présidence. Charles Taylor purge, lui, une peine de 50 ans de prison en Grande-Bretagne pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre perpétrés en Sierra Leone voisine. Portrait de l’ancienne première dame aujourd’hui vice-présidente du Liberia et qui est investie aujourd’hui également.
On la décrit comme une politicienne hors pair, une voix qui compte. Jewel Howard-Taylor a joué en tout cas un rôle majeur dans la victoire de George Weah.
Son mari ? Elle l’a rencontré dans les années 1980. Elle était encore étudiante. Des études en économie qu’elle poursuivra aux Etats-Unis alors que Charles Taylor prend la tête du Front national patriotique du Liberia dont les troupes vont commettre les pires atrocités. C’est en 1996, après les accords de paix, que Jewel Howard-Taylor rentre au Liberia. Un an plus tard, Charles Taylor devient président, elle, première dame.
Que savait-elle des crimes commis par son mari ? De la guerre civile en Sierra Leone ? Du recrutement des enfants soldats au Liberia ? La question n’a jamais été véritablement tranchée.
Elle a divorcé en 2006, un an après avoir été élue sénatrice du comté de Bong, une des provinces les plus peuplées du pays, l’ancien fief de Charles Taylor qui est aujourd’hui le sien. Son parti, le NPP, a « changé », assure-t-elle, « il faut aller de l’avant ». A 54 ans, cette femme d’influence devient le numéro deux du pouvoir libérien.
Rfi Afrique