Le 21 novembre, il y a un an, le président zimbabwéen Robert Mugabe démissionnait sous la pression de l’armée. Peu avant, il avait limogé son vice-président Emmerson Mnangagwa pour mettre sa femme Grace Mugabe à son poste. En colère, l’armée s’était aussitôt emparée du pouvoir pour y réinstaurer Mnangagwa, élu depuis.
En arrivant au pouvoir, Emmerson Mnangagwa avait promis le changement : relancer l’économie, s’attaquer à la corruption, au népotisme. Mais force est de constater qu’un an plus tard, ses promesses n’ont pas abouti. Aujourd’hui, l’inflation est galopante – plus de 20% depuis le début de l’année – et l’argent liquide reste une denrée rare.
→ Zimbabwe: le président Robert Mugabe a démissionné
Et depuis septembre, les Zimbabwéens assistent à un retour des pénuries, le pays manquant cruellement de devises étrangères pour importer certains produits.
Un an pour retourner l’économie, c’est trop court, estime le chercheur Victor Magnani. « Les attentes étaient peut-être démesurées, souligne-t-il.Le Zimbabwe avait été mal géré durant les dernières années de l’ère Mugabe et bien évidemment la situation dans laquelle était le Zimbabwe ne pouvait pas être améliorée si facilement. Néanmoins, je crois qu’Emmerson Mnangagwa n’a pas fait assez pour rassurer la communauté internationale. »
Rien ou presque n’a changé
En effet, le nouveau régime n’a pas réussi à convaincre les investisseurs internationaux de revenir dans le pays. Et la répression qui a suivi l’élection présidentielle de juillet dernier n’a certainement pas aidé.
Même si la liberté d’expression s’est sensiblement améliorée, opposants politiques et syndicalistes continuent à faire face à un régime répressif, estime le chercheur Gideon Chitenga. « La culture de répression est encore là, assure-t-il. C’est impossible qu’il y ait un changement important alors qu’il s’agit du même régime. De nombreuses personnes dans le gouvernement d’aujourd’hui étaient déjà là sous Mugabe. »
Selon ce chercheur, même si le président Mnangagwa a voulu se présenter comme porteur de changement, il est tributaire de la vieille garde de la Zanu-PF, toujours au pouvoir et qui n’a aucun intérêt au changement. Dans les rues de la capitale Harare, le constat est amer : Mugabe est parti, mais rien ou presque n’a changé.
Les gens refont la queue pour acheter de l’essence, on va devant des magasins qui sont à nouveau vides, les personnes qui ont des proches à l’étranger leur demandent de ramener des produits de première nécessité et du cash. Donc on est dans une situation qui est extrêmement inquiétante et qui inquiète, au-delà du Zimbabwe, les voisins directs.
Thibaud Kurtz, consultant indépendant sur les questions africaines, revient sur cette année sans Robert Mugabe
Que devient Robert Mugabe ?
Celui qui a dominé la vie politique du Zimbabwe pendant 37 ans se fait désormais discret. Robert Mugabe vit aujourd’hui reclus dans sa luxueuse résidence d’un quartier nord d’Harare. Lors de l’élection présidentielle en juillet dernier, il est sorti de son silence pour dénoncer sa mise à l’écart du pouvoir et annoncer qu’il soutiendrait l’opposition.
Mais depuis plus un mot, explique le chercheur Gideon Chitanga. « La dernière fois que j’en ai entendu parler, il avait quitté le pays avec sa femme pour se rendre à Singapour pour des raisons de santé, explique-t-il. Mais je pense que Mugabe ne se sent pas en sûreté au Zimbabwe. Il ne fait pas confiance à ce nouveau gouvernement et dans ces circonstances, il est probablement plus en sécurité à l’extérieur du pays qu’à l’intérieur. »
D’autant plus que Robert Mugabe détient selon plusieurs sources une vingtaine de fermes. Un patrimoine qui l’exposerait à l’attention du nouveau régime. Le président Mnangagwa a récemment mis sur pied une commission anticorruption. Et dit vouloir réexaminer la réforme agraire des années Mugabe afin que chaque Zimbabwéen ne détienne pas plus d’une ferme. rfiAfrique