Le président de la Guinée depuis l’élection chaotique de 2010 bat tous les records. Il a exercé le métier du militantisme politique depuis qu’il est adolescent pour accéder, plus que septuagénaire, au pouvoir. Il doit être aussi le dirigeant politique issu de l’ouverture démocratique en Afrique qui a le plus tué d’opposants et violé les libertés politiques.
Pas plus tard que ce mardi 23 octobre, le régime d’Alpha Condé a réprimé dans le sang une manifestation pacifique dirigée par le chef de fil de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, pour réclamer le respect des accords politiques signés avec le pouvoir. Le bilan est sanglant comme à l’accoutumée: des blessés graves par balles réelles, des arrestations multiples, des morts dont un jeune plombier, Mamadou Samba Diallo, 18 ans, fauché par une balle à Cosa…
La propension du régime à tuer dans les quartiers réputés proches de l’opposition a d’ailleurs amené l’opinion à baptiser « Axe de la mort » la route Hamdallaye-Bambéto-Cosa qui relie l’intramuros à la banlieue de Conakry.
Au cours de cette dernière manifestation, le pouvoir a franchi un nouveau pas dans la brutalité, en tentant d’assassiner Cellou Dalein Diallo. Sa voiture a été criblée de balles réelles et son chauffeur, touché. Le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) n’a dû la vie sauve qu’à un coup du destin.
Le pouvoir guinéen violente, blesse, tue pour des revendications aussi basiques que légitimes. Pour finalement organiser des élections locales en 2018, plus de cinq ans après l’échéance légale, il a réprimé bien des manifestations dans le sang. Si la ligne rouge de l’assassinat de Cellou est franchie, ce sera le début d’une dévastatrice guerre civile dans ce pays où les leaders politiques sont aussi des chefs de communautés ethniques.
Le Sénégal, flanqué de la Guinée au sud-est, et l’ensemble des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) doivent se pencher au chevet de ce pays où des simulacres d’élections démocratiques depuis 2010 n’ont rien changé des moeurs de gestion dictatoriale du pouvoir et de violences politiques héritées du sanglant régime d’Ahmed Sékou Touré, père de l’indépendance acquise en 1958. Mieux vaut être lanceur d’alerte que sapeur pompier.
D’autant qu’Alpha Condé, constitutionnellement inapte à briguer un nouveau mandat en 2020, après deux quinquennats successifs à la tête du pays, proclame urbi et orbi qu’il n’exclut pas de faire sauter ce verrou pour opérer une nouvelle opa sur le pouvoir, à presque 85 ans ! Ce hold-up programmé ne peut que brûler ce qui reste de ce pays riche au point d’avoir été qualifié de « scandale géologique » par Sékou Touré mais resté obstinément arriéré en dépit de l’ouverture démocratique de 2010.
Le feu couve. Le Sénégal et tous les Etats de la Cedeao sont avertis…
Cheikh Yérim Seck, journaliste