Depuis 2004, près de 300 membres des forces armées sont suspectés d’agressions sexuelles, en particulier par des unités basées au Congo, au Cambodge et en Haïti.

En 2015,  la moitié des cas d’abus se rapportaient à 2 missions: celle en Centrafrique (M.I.N.U.S.C.A.) et celle en RDCongo (M.O.N.U.S.C.O.). Selon le rapport annuel du secrétaire général Ban Ki-moon, 69 cas d’abus sexuels auraient été commis par des Casques bleus en 2015, une « nette augmentation » par rapport à 2014. Seuls 26 cas ont jusqu’ici fait l’objet d’enquêtes, qui ont abouti à des peines de prison de quelques semaines contre trois soldats. Pourtant, nombreux sont les sombres cas de viols, d’esclavage sexuel, de mutilations sexuelles, de prostitution forcée, de grossesses forcées, d’avortements forcés…Mais pour la grande majorité des cas, ces histoires ont été « réglées » soit en huit-clos par des tribunaux militaires, loin des lieux et personnes concernées ; soit tombées dans l’oubli, car perpétrées par des groupes rebelles armés, sans foi ni loi.

La République Centrafricaine (RCA)

Le coup d’état de 2013 déclenche une guerre civile entre les rebelles musulmans de la Seleka et les milices anti-Balaka chrétiennes. Les populations fuient les massacres en se réfugiant vers le site de l’aéroport MPoko à Bangui. En décembre 2013, les forces françaises de l’opération SANGARIS arrivent en Centrafrique, suite de l’adoption de la résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations unies. Dès l’année suivante, un scandale mettant en cause des soldats français accusés d’abus sexuels sur des mineurs éclate[1]. Le 29 avril 2015, le quotidien britannique The Guardian révèle l’existence d’un rapport d’enquête de l’ONU, qui accuse des soldats français, mais aussi des Casques bleus tchadiens et équato-guinéens, d’avoir sexuellement abusé d’enfants. Le Haut responsable aux Nations unies pour les droits de l’homme, Anders Kompass, est à l’origine de la fuite du rapport confidentiel de l’ONU : « Il m’est impossible de continuer à travailler ici », avait-t-il affirmé avant de démissionner pour protester contre l’« impunité totale » des responsables et l’« absence de regrets » formulés par sa hiérarchie. Démission rendue publique en juin 2015 et confirmée par les Nations unies.

L’affaire d’abus sexuels sur mineurs concerne « des faits qui auraient été commis sur une centaine d’enfants de 9 à 11 ans, sur le site de l’aéroport de MPoko, entre décembre 2013 et Avril 2015 », indique les associations autochtones. Des investigations ont été menées au printemps 2014 en Centrafrique par le Bureau des droits de l’homme de l’ONU à Bangui. L’enquête portait sur des « accusations graves d’exploitation sexuelle et d’abus commis sur des enfants par des militaires français » en RCA selon la co-directrice de l’ONG américaine Aids-Free World, Paula Donovan. Le document rassemble les témoignages de soixante enfants âgés de 8 à 15 ans et implique une trentaine de soldats et officiers français. Ceux-ci auraient échangé de la nourriture, et parfois de petites sommes d’argent, contre des actes sexuels sauvages.  Malgré les nombreux témoignages d’enfants et de locaux[2], le parquet de Paris avait requis l’abandon des charges dès mars 2017[3] et l’a confirmé le lundi 15 janvier 2018 en prononçant un non-lieu pour les militaires de l’opération Sangaris accusés de viols sur mineurs. Lors de la cérémonie de clôture de l’opération au camp militaire de M’Poko, devant les militaires de Sangaris, Jean-Yves Le Drian, en leur rendant hommage, a déclaré: «Vous aviez trois missions: mettre fin au chaos, accompagner les forces internationales et permettre la tenue d’élections. Ces trois missions sont remplies, personne ne peut le contester[4]». Maintenant que Sangaris se retire, «notre souhait est de voir la France s’impliquer davantage dans les efforts de reconstruction du pays, notamment d’aider à former les forces armées (Faca)», a estimé le chef de la diplomatie centrafricaine, Charles-Armel Doubane[5].

La Côte d’Ivoire

2007–  Bouaké, ville située en zone rebelle au nord de la Côte d’Ivoire. Un contingent de 732 soldats marocain des Nations Unies a été immobilisé en attendant les résultats d’une enquête lancée en interne. Des plaintes pour abus sexuels, viols et actes de pédophilie ont été déposées contre ces troupes de l’Opération de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI) au cours de diverses missions dans la région[6]. Des enquêteurs ont été envoyés sur place pour donner suite aux témoignages d’abus sexuels commis par le personnel de l’ONU, ce qui a entraîné des dizaines d’expulsions et des poursuites pénales par les gouvernements des pays d’origine des auteurs de ces actes.

Avril 2010 – seize Casques bleus béninois sont reconnus coupables d’abus sur mineures. Ils sont rapatriés et exclus de l’armée. En juillet 2010, l’ONG Save the Children relate que plusieurs filles de moins de seize ans ont « consenti à des rapports sexuels avec des Casques bleus en échange de nourriture. »

La République Démocratique du Congo (RDC)

2004 – Un ancien membre civil français de la mission en RDC a été expulsé après la découverte par la police congolaise de vidéos et de photographies dans lesquelles il était entouré d’enfants et de jeunes femmes congolaises. Il a été arrêté pour une mise en examen en France.

2005–  Les enquêteurs de l’ONU ont recommandé des mesures disciplinaires à l’encontre de neuf civils membres de la MONUC (mission des Nations Unies au Congo) et de 65 soldats, dont 63 ont été expulsés de la mission et rapatriés. Le Secrétaire général de l’ONU d’alors, Kofi Annan, met en place « un couvre-feu pour les militaires de la tombée de la nuit jusqu’au lever du jour et l’interdiction de tout contact illicite avec la population locale ».  Ils ont noté toutefois que certaines affaires avaient été classées sans suite car les victimes ne pouvaient identifier leurs agresseurs ou bien s’y refusaient[7].

D’autres allégations mettaient en cause des membres du personnel en uniforme de la mission des Nations Unies en République démocratique du Congo, stationnés dans la ville de Bunia à l’Est du pays, qui ont été accusés de faire appel à des prostituées et d’offrir à des réfugiées – dont certaines n’avaient que 12 ans – de l’argent et des vivres en échange de rapports sexuels[8].

Le Mali

23 septembre 2013 – La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a reçu des allégations de mauvaises conduites à l’encontre de certains de ses Casques bleus, notamment d’un cas d’abus sexuel[9]. Une femme accuse des Casques bleus tchadiens de l’avoir violée. Quatre d’entre eux sont placés en garde à vue.

Le Burkina Faso

Juin 2015 – Un militaire français de l’opération Barkhane (Forces Françaises au Sahel) est accusé d’agression sexuelle sur 2 fillettes franco-burkinabè de 3 et 5 ans. Il est également poursuivi pour détention d’images à caractères pornographiques pour avoir filmé les attouchements sur l’une des deux fillettes. Il a d’abord nié les faits, prétextant avoir trop bu pour s’en rappeler, avant de reconnaitre, images à l’appui, certaines des accusations. François Hollande (alors président en exercice), en déplacement à Cotonou en juillet 2015, qualifia cette affaire de « faits divers très grave » qui « ne doit pas être mis en rapport avec ce qu’il s’est passé en Centrafrique[10]» deux mois plus tôt.

Haïti

2004 et 2007– Au moins 134 soldats Sri Lankais  de l’ONU à Haïti (MINUSTAH) ont exploité neuf enfants dans un réseau de pédophilie, selon un rapport interne de l’ONU obtenu par l’Associated Press. À la suite du rapport, 114 soldats de la paix ont été rapatriés. Aucun n’a été emprisonné[11].

2006–   Un premier rapport indique que 231 femmes haïtiennes ont eu des relations sexuelles avec des Casques bleus en échange de services ou de biens matériels (chaussures, vêtements, téléphones, ordinateurs portables, parfums). Selon une autre enquête menée à Monrovia auprès d’un échantillon de 489 femmes âgées de 18 à 30 ans, « plus d’un quart (…) avaient procédé à des transactions sexuelles avec les Casques bleus, généralement pour de l’argent ».

2012– Le chef du bataillon uruguayen de la mission de l’ONU en Haïti a été démis de ses fonctions après la divulgation sur Internet d’une vidéo montrant le viol présumé d’un jeune Haïtien de 18 ans par quatre de ses soldats[12].

Fin 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a mis fin à treize ans de présence des Casques bleus en Haïti, pour les remplacer par une force de police plus restreinte. La mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) est remplacée par une nouvelle force de police chargée de former les forces haïtiennes, baptisée Mission des Nations unies pour le soutien de la justice en Haïti (Minujusth). Cette nouvelle mission onusienne disposera de sept unités d’environ 1275 policiers au total[13].

Le Liberia, la Sierra Léone, la Guinée

2002– Des membres du personnel de l’ONU et des organisations humanitaires des camps administrés par l’ONU au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée ont été accusés d’avoir forcé des réfugiées et de jeunes enfants à échanger des faveurs sexuelles contre des vivres, des médicaments et d’autres produits qui leur faisaient cruellement défaut. Le Bureau des services de contrôle interne a également enquêté sur ces accusations mais a classé l’affaire faute de preuves. Certaines organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme ont reproché à l’ONU de minimiser ces allégations[14].

Le Burundi

Mai 2004– Les Nations unies envoient des soldats pour une mission de maintien de la paix, baptisée ONUB. Sept mois plus tard, deux d’entre eux sont suspendus pour « mauvaise conduite sexuelle ». Quatre soldats éthiopiens sont arrêtés pour les mêmes faits[15].

Le Soudan du Sud

Janvier 2005– Après un accord de paix signant la fin de 21 ans de guerre civile entre la rébellion sudiste et le pouvoir de Khartoum, les Casques bleus arrivent. Les premiers abus commencent quelques semaines plus tard mais ne seront révélés qu’en janvier 2007, par le quotidien britannique The Daily Telegraph. Son article affirme que des personnels civils et militaires de l’ONU ont violé une vingtaine d’enfants et de jeunes adolescents de la ville de Juba, au Sud-Soudan. Selon le Telegraph, le gouvernement soudanais a accumulé des preuves, dont des enregistrements vidéo de rapports sexuels entre des employés de l’ONU et des jeunes filles[16].

Sources:

[1] Franceinfo, paru le 01/05/2015
[2] Franceinfo, paru le 01/05/2015
[3] Le Figaro « Centrafrique : non-lieu pour les soldats français accusés de viols », paru le 15/01/2018
[4] Le Figaro, « Centrafrique: Le Drian officialise la fin de l’opération «Sangaris», le 31/10/2016
[5] Le Figaro, « Centrafrique: Le Drian officialise la fin de l’opération «Sangaris», le 31/10/2016
[6] Le Figaro « Des casques bleus suspectés d’abus sexuels en Côte d’Ivoire », paru le 21/07/2007
[7] Afrique Renouveau, ONU, Vol. 19 #1 (Avril 2005), page 16
[8] ONU/Afrique Renouveau « Exactions des casques bleus : l’ONU est ferme », paru en avril 2005
[9] ONU/ Mali : allégations de mauvaise conduite portées contre des Casques bleus de la MINUSMA
[10] L’humanité, le 02/07/2015
[11]Afrique Renouveau, ONU, Vol. 19 #1 (Avril 2005), page 16
[12] Le Figaro « Des Casques bleus accusés de viol en Haïti », paru le 05/09/2011
[13] 20 minutes « 1992-2016: Les Casques bleus régulièrement accusés de crimes sexuels », paru le 01/04/2016
[14] ONU/Afrique Renouveau « Exactions des casques bleus : l’ONU est ferme », paru en avril 2005
[15] 20 minutes « 1992-2016: Les Casques bleus régulièrement accusés de crimes sexuels », paru le 01/04/2016
[16] 20 minutes « 1992-2016: Les Casques bleus régulièrement accusés de crimes sexuels », paru le 01/04/2016