A Gouéla, un secteur du district de Bourata dans la préfecture de Lola, à la frontière entre la Côte d’Ivoire et la Guinée, un chimpanzé adulte, élevé en captivité illégalement puis abandonné à lui-même, errait depuis le 05 décembre 2017. Agressant parfois les habitants de la localité, l’animal a été secouru le 04 septembre 2018 par une équipe du Centre de Conservation pour Chimpanzés(CCC) et des Conservateurs de la Nature avec l’appui du  projet ‘’Guinée Application de la Loi Faunique’’(GALF).

Le chimpanzé est une espèce animale qui figure sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature(UICN) et classé dans l’annexe I de la Convention de Washington comme étant une espèce animale intégralement protégée.

En Guinée, et conformément aux dispositions légales prévues dans le code de protection de faune sauvage et de la réglementation de la chasse, mais aussi en tenant compte des conventions internationales en la matière, cette espèce animale est intégralement protégée. Par conséquent, un chimpanzé ne peut en aucun cas faire l’objet d’abattage, de capture, de détention et de commercialisation. Toute personne qui se hasarde à cela doit faire face à la loi et répondre de ses actes devant la Justice.

Toutefois en dépit de la loi, un chimpanzé errant risquait d’être abattu dans la Préfecture de Lola et était la cible des populations qui l’accusaient d’avoir attaqué les paisibles citoyens. Le pauvre animal élevé en captivité cruellement puis abandonné à son sort était perdu et terrifié. C’est dans cette optique que le GALF, le CCC et le Corps des Conservateurs de la Nature ont collaboré face à l’urgence pour le sauver, une équipe du CCC et des Conservateurs a été diligentée pour aller secourir l’animal.

Joint au téléphone par l’Officier média de GALF, l’adjudant-chef Aboubacar Samoura, ingénieur des eaux et forêts et coordonnateur des conservateurs du centre de gestion de l’environnement du mont Nimba Simandou(CGEMNS), revient sur les circonstances de l’apparition de l’animal: « Depuis le 05 décembre 2017, nous avions fait pour la première fois la découverte de ce chimpanzé à Gouéla, un secteur de Bourata à la frontière Guinéo-Ivoirienne. Ce qui reste clair, il semblerait que l’animal était en captivité mais que personne ne connaisse d’où exactement il est venu.».

Poursuivant, M. Samoura précise : « Le 01 septembre 2018, j’ai été saisi par un de mes agents chargé du suivi de l’animal. Selon ce dernier, l’animal aurait mordu une dame qui partait au champ. Aussitôt la population s’était révolté contre l’animal et était prêt à l’abattre. Dès que j’ai eu l’information, j’ai pris contact avec Charlotte Houpline du projet GALF. Elle m’a fait savoir qu’eux, ils sont chargés de la lutte contre la criminalité faunique et la corruption qui s’en suit mais qu’elle allait me mettre en contact avec le CCC de Faranah qui recueille les chimpanzés orphelins. Ce qui fut fait et automatiquement ces derniers ont dépêché une équipe dirigée par Mathieu Laurans pour venir non seulement tranquilliser l’animal mais aussi le conduire dans leur sanctuaire en charge de la conservation des chimpanzés du côté de Faranah. ».

De son côté, M. Sâa Youla Tolno, Préfet de Lola exprime toute sa satisfaction pour le secours apporté à l’animal: « Nos sentiments, c’est qu’en réalité on doit conserver les espèces animales et végétale de la nature. Donc c’est notre lutte, surtout la Préfecture de Lola. C’est une préfecture riche en flore et en faune. C’est là où on trouve de grandes forêts, le mont Nimba et beaucoup d’autres espèces animales et végétales rares dans le pays. C’est notre rôle, il est régalien. C’est ce qui nous a animé et nous a amené à garder l’animal vivant depuis son apparition car ailleurs, les gens peuvent l’abattre et cela peut avoir des conséquences pour le pays. ».

Sur la provenance de l’animal puisqu’il est issue d’une longue captivité illégale, le préfet précise : « Dès qu’on a découvert la présence du chimpanzé, on s’est posé beaucoup de questions sur sa provenance puisque le village Gouéla est sur le territoire guinéen situé à la frontière entre la Guinée et la Côte d’Ivoire. Connaissant la migration animale, nous avons fait venir les chargés de faune et de flore de la Côte d’Ivoire. Ces derniers après toute étude et analyse, ont affirmé que l’animal ne vient pas de leur pays. Ainsi, dans le cadre de la collaboration et le bon voisinage avec les deux pays, les spécialistes se sont renseignés au niveau des autorités ivoiriennes, les techniciens en la matière ont dit que le chimpanzé n’est pas venu de la Côte d’Ivoire. Dans tous les cas ce qui est important, c’est de le maintenir, le protéger et le sauver. C’est ce que nous avons fait grâce à la bonne collaboration avec les spécialistes du sanctuaire de Faranah. Ces derniers avec nos agents conservateurs ont pu mettre main sur l’animal en toute sécurité pour le conduire dans leur centre situé à Faranah. »

A signaler que grâce au partenariat de l’Etat avec le projet GALF, spécialiste dans la lutte contre la criminalité faunique et toute forme de corruption liée aux crimes sur la faune,  plus de 30 chimpanzés vivants ont été saisis des mains des trafiquants sans compter tous les chimpanzés qui n’ont pas été tué ou capturé et exporté grâce à l’application de la loi, l’arrestation et la condamnation des trafiquants, plusieurs centaines d’animaux vivants de toutes espèces ont été confisqués aux trafiquants depuis 2012 et relâchés dans la nature.  L’application de la loi et la chaine de répression a permis de sauver des milliers d’animaux du trafic et de condamner les auteurs, une bataille sans fin.

De 2007 à 2012, la Guinée a frauduleusement exportée plus de 130 chimpanzés vers l’Asie, 10 gorilles, des bonobos et même des lamantins. Cette activité illicite a provoqué le courroux du Secrétariat Général de la Convention internationale des Nations Unies sur le commerce des espèces de faune et de flore sauvage menacée d’extinction(CITES) qui a sanctionné la Guinée en mars 2013, présentée comme une plaque tournante du trafic international d’espèces.

Il faut rappeler que le trafic d’espèces est un crime organisé transnational. Il représente le 5ème commerce illégal le plus important au monde amassant plus de 20 milliards de dollars chaque année.

Fatou Kourouma