La journée internationale des droits de la femme, c’est ce jeudi. En prélude à cette célébration, nos confrères de la RTG ont récemment reçu la ministre de l’Action sociale, de la promotion féminine et de l’Enfance, pour débattre des thématiques relatives à la journée et du programme de célébration. Mme Diaby Mariama Sylla, en avait cependnat profité pour se pencher sur des problématiques qui, bien que ne relevant pas spécifiquement de la journée de cette année, font néanmoins partie intégrante des obstacles que la gent féminine se doit d’écarter de son chemin pour s’offrir l’épanouissement auquel elle a droit. Bref, nous reprenons à votre intention l’entretien que Mme la ministre a accordé à nos confrères…

La célébration de la journée internationale de la femme de cette année tourne essentiellement autour du concept de l’autonomisation. Que pouvez-vous en dire ?

Mme Diaby Mariama Sylla: J’aimerais tout d’abord dire que nous avons justement validé les 5 et 6 mars 2018 le rapport d’une étude qui se penche spécifiquement sur cette question d’autonomisation. Un rapport qui s’appesantit sur la période  2015-2017. Mais le processus de vulgarisation du concept de l’autonomisation des femmes date certainement de bien avant. Il tire précisément son origine de la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes qui, en son article 14, consacre la question relative à l’autonomisation de la femme. Nous comptons faire une autre évaluation qui va prendre en compte la période 2010 (c’est-à-dire l’avènement de la troisième république), à nos jours. Ce sera l’occasion de recenser de manière exhaustive tout ce qui aura été fait en matière d’autonomisation de la femme sur les plans politique, juridique, programmatique et opérationnel.

Cette année, au-delà de l’autonomisation, en tant que telle, il est surtout question de celle des femmes en milieu rural. Le rapport ainsi validé prend-il en compte cette dimension singulière ?

Oui, le rapport prend en compte toutes les dimensions dont les volets éducation, formation et santé reproductive notamment. Mais aussi les questions juridiques. Je m’en vais vous dire que la Guinée a ratifié toutes les conventions qui protègent et font la promotion des femmes. Le rapport touche aussi les questions de violence. On a même un volet institutionnel de cette autonomisation de la femme, y compris la participation de la femme au poste de prise de décision.

Un volet de cette autonomisation, c’est l’accès aux moyens financiers. On a l’impression que les mécanismes de micro finance mis en place se limitent aux centres urbains. En quoi les zones rurales sont-elles couvertes?

Justement, il faut reconnaître que les femmes n’ont pas suffisamment accès au microcrédit. Mais vous touchez-là à la thématique nationale de cette journée internationale des femmes. Une thématique choisie pour saluer l’initiative du président de la République en matière d’autonomisation des femmes. En effet, ayant constaté que les femmes en milieu rural n’ont pas toujours accès aux mécanismes de microcrédit et que beaucoup d’entre elles n’en ont même pas conscience, il a estimé qu’il fallait apporter un appoint pour booster leurs activités génératrices de revenu. D’où l’expérience des Mutuelles financières des femmes africaines (MUFFA). Et nous nous en réjouissons parce que ce mécanisme couvre aujourd’hui presque toute l’étendue du territoire national. Ainsi, sur les 33 préfectures que nous avons, 27 ont leur MUFFA. Quant à Conakry, on a une MUFFA par commune et une sixième au marché Avaria. Cela fait un total de 30.000 femmes touchées pour un chiffre d’affaires estimé à 55 milliards GNF. Naturellement, cela confère aux produits issus des activités que mènent ces femmes de la compétitivité et renforce notamment leur éligibilité à l’AGOA. C’est dire donc que les MUFFA sont un instrument essentiel pour l’autonomisation des femmes en Guinée.

Au programme de la célébration de cette journée, il y a que le 8 mars, l’escorte qui conduira le président de la République et la première dame, du palais Sekhoutouréya au palais du peuple, sera exclusivement composée de femmes. Ce, dit-on, pour démystifier les emplois traditionnellement dévolus aux hommes. Quels commentaires ?

Tout d’abord, j’aimerais relever à ce niveau le volontarisme et l’engagement des femmes. Parce qu’il faut bien dire que ce sont elles qui ont voulu et qui ont demandé à escorter le président de la République pour cette journée. De leur part, cela relève surtout d’une démarche de reconnaissance à l’endroit du chef de l’Etat. Aujourd’hui, les femmes guinéennes participent aux missions de maintien de paix des Nations unies. J’en profite d’ailleurs pour m’incliner devant la mémoire de celles qui sont décédées, arme à la main. A cela s’ajoute que d’autres femmes ont aussi été élevées en grade. Bref, dans le secteur de l’armée et du paramilitaire, les femmes occupent de plus en plus des postes de responsabilité. Et on le doit au président de la République. Aussi, nous voulons mettre la journée du 8 mars à profit pour le lui reconnaître.

Un autre fléau auquel les femmes continuent à faire face, ce sont bien les Violences basées sur le genre. D’ailleurs à propos, vous vous êtes récemment rendue dans la famille d’une des victimes. On en parle sans cesse, mais le phénomène perdure… ?

Oui, hélas. Rien que le fait de l’évoquer, on a un pincement au cœur. Vous savez, moi je me pose des questions. Qu’est-ce qui peut pousser un homme à battre une femme qu’il a aimée jusqu’à ce que mort s’en suive. Je voudrais ici exhorter les femmes à sortir de leur silence, à ne pas continuer à protéger leurs bourreaux. Parce que la femme guinéenne se confine dans le silence. Elle endure en silence les coups et blessures. Qu’elles dénoncent ! Qu’elles se plaignent et qu’elles portent plainte ! Parce que toutes les lois leur sont favorables.

Mais au-delà de cet appel, j’aimerais inviter à une réflexion globale pour savoir, comme je le disais tantôt, ce qui peut pousser un homme à violenter sa femme, son enfant, bref sa famille. Bien sûr, je ne les défends pas. La preuve c’est qu’avec l’Oprogem, nous avons œuvré en faveur de l’arrestation du mari de feue Aïcha Touré. N’empêche qu’on devrait faire en sorte de comprendre davantage ce phénomène.

Quels seront les grands moments de la célébration du 8 mars de cette année ?

Permettez-moi à ce niveau de remercier la commission d’organisation composée naturellement des membres de mon département, mais aussi de ceux des autres départements ministériels et des représentants de nos partenaires dont le Système des Nations unies. Pour revenir au programme, il a commencé avec la validation des trois documents suivants :

Le rapport sur l’autonomisation de la femme et la réduction des inégalités entre l’homme et la femme, ainsi que les défis relatifs à ces deux problématiques ;

Le rapport sur la participation et l’accès des femmes aux médias et aux Nouvelles technologies de l’information et de la communication, ainsi que l’impact de leur utilisation sur l’autonomisation de la femme en milieu rural ;

Le rapport d’évaluation des défis et opportunités des Mutuelles financières des femmes africaines (MUFFA).

Nous avons aussi au programme une exposition-vente des produits issus des activités génératrices de revenu pratiquées par les femmes. Je m’empresse d’ajouter qu’avec l’appui du PNUD, nous avons aussi réalisé un film documentaire sur les femmes que nous appelons les ‘’championnes’’. Des femmes qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école et qui, malgré les pesanteurs culturelles et la discrimination, ont réussi à s’extraire des conditions de vie précaires qui leur étaient destinées.

 

Source : ledjely.com