Depuis novembre, les tensions sont vives dans le centre du Nigeria, en particulier dans l’Etat de Benue, où « l’anti open grazing law » a été appliquée. Initiée par le gouverneur Samuel Ortom, cette nouvelle loi interdit la transhumance. Pensée pour résoudre les problèmes récurrents entre agriculteurs et éleveurs, elle est loin de faire l’unanimité.

La loi sur « l’anti open grazing law » interdit la transhumance du bétail, sous peine de sanctions, et vise à inciter les éleveurs à acquérir de vastes espaces de pâturage clos. Les violences entre éleveurs Fulani et agriculteurs Tiv se sont exacerbées ces derniers mois suite à l’adoption de cette loi, pourtant Samuel Ortom, le gouverneur de Benue, défend son projet jusqu’au bout.

« Il n’est pas question de revenir sur cette loi. Vous voulez élever du bétail ? Créez un ranch. C’est simple : trouvez-vous un terrain, et clôturez-le de sorte qu’il ne s’échappe pas pour aller empiéter dans le champ d’autrui. Cette loi propose une solution gagnant-gagnant pour les agriculteurs et les éleveurs. Elle permettra par exemple de lutter contre le vol de bétail : il sera plus facile pour les forces de l’ordre d’arrêter les voleurs », assure M. Ortom.

Les éleveurs demandent la suspension de la mesure

De leur côté, les éleveurs affirment que ces ranchs n’ont pas encore été créés. Macban, puissante organisation d’éleveurs, demande la suspension pure et simple de cette loi. Le syndicat dénonce une mesure qui ne respecte pas les pratiques culturelles des éleveurs.

« Les Fulanis ont leur propre héritage culturel. Ils ne connaissent pas le ranch. Les éleveurs ont totalement rejeté cette loi. Ils veulent le rétablissement des routes de transhumance, tel que prévu dans la Constitution. Donc cette nouvelle loi, pour être efficace, doit être vulgarisée, elle doit accorder un temps d’adaptation et proposer des sites pour les ranchs. Rien n’a été fait », explique Mohammed Shettima, le secrétaire général de Macban.

D’après ce responsable, les localités qui connaissent actuellement des tensions, correspondent aux zones où « le recours à la médiation par des chefs traditionnels a été substitué au profit de jeunes, souvent influencés par des politiques ».

« Le changement demande du temps »

L’ong Pastoral Reserve intervient dans l’Etat de Benue depuis quelques années, pour faire la médiation entre éleveurs et agriculteurs. Cette organisation estime qu’il aurait fallu plus de temps pour permettre aux éleveurs de s’habituer progressivement à cette loi.

« Instaurer les espaces de pâturage clos est la meilleure solution. Mais je pense qu’il aurait fallait plus de temps pour appliquer cette loi. Ce n’est pas possible de demander à quelqu’un de se convertir à cette activité en seulement six mois. C’est beaucoup trop court. Le changement demande du temps », détaille Roseline Shiember, Senior Project officer au sein de cette organisation.

« Ces personnes ont perpétué la transhumance pendant des années, de génération en génération : ce n’est pas évident pour eux, de changer de pratique en seulement six mois. Mais avec le temps, ils vont apprécier les bénéfices que peuvent leur apporter les ranchs. Ils s’y habitueront. L’autre difficulté, c’est le fait que les espaces promis ne sont pas disponibles. Les éleveurs sont censés formuler une demande pour accéder à un ranch. Cette demande doit ensuite être acceptée par la communauté rurale », déclare Mme Shiember.

Des affrontements entre agriculteurs et éleveurs ont déjà fait 168 morts depuis le début de l’année selon Amnesty International. L’armée a été déployée jeudi 15 février dans le centre du pays pour tenter d’apaiser le conflit. Les opérations devraient durer jusqu’au 31 mars 2018.

 

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